©Chris Cleave
Chris Cleave est un romancier anglais qui vit à Londres avec sa femme française et ses 3 petites têtes : 2 garçons et 1 fille. Petitestetes.com vous fait partager quelques morceaux choisis de la vie de ce papa trentenaire en publiant certaines de ses chroniques écrites chaque semaine pendant 2 ans pour The Guardian inédites en France et traduites pour Petitestetes.com.
Pour en savoir plus au sujet de Chris Cleave, rendez-vous sur : www.chriscleave.com
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Mon papa, c'est le plus "fort"
Une chronique de Chris Cleave
Au début de l’été, notre petit de cinq ans et ses amis s’étaient disputés pour savoir quel papa était le plus gros, ce qui était marrant jusqu’à ce que la réponse soit moi. Notre garçon se précipita fièrement pour me rapporter la nouvelle. Il ne gagne jamais quand il s’agit du “papa le plus grand”, du “papa le plus costaud” ou du “papa le plus riche”, alors il était ravi de découvrir enfin quelque chose pour lequel je suis bon. Et c’est vrai: depuis que les enfants sont nés, j’ai excellé dans la prise de poids.
Ce n’est pas juste parce que je suis techniquement brillant - j’obtiens aussi un bon score en compétence artistique. Tout homme peut devenir gras et faible en suivant un régime de mal-bouffe, mais il faut un papa comme moi pour réussir à grossir avec un carton de légumes bio par semaine. Ma performance est tellement exceptionnelle en fait que je crains d’être accusé de dopage d’ici peu. J’ai mon excuse prête d’avance: des lutins grassouillets sont venus alors que je dormais et m’ont injecté à l’aide d’une pipette magique de la graisse sucrée à travers les lèvres. C’était délicieux.
Quand il a été établi que j’étais le plus gros papa, notre petit de trois ans a été impressionné et m’a demandé comment j’avais fait. Je n’ai pas pu lui dire que c’était génétique. L’oncle de nos enfants, Alex, par exemple, a les mêmes gènes que moi et il est nul pour prendre du poids. C’est bien sa faute. Il a récemment fait un double triathlon olympique et s’entraîne maintenant pour une course au Pôle Sud. Même si c’est pénible de critiquer mon propre frère, je dois avouer qu’il fait tout ce qu’il ne faut pas s’il souhaite vraiment découvrir la joie d’entrer dans un magasin de vêtements et voir que les shorts qui lui vont sont ceux des pères grassouillets avec une coupe trois-quarts et le motif camouflage de jeune. Alex, je crains de le dire, s’est laissé aller. Pour être précis : il s’est laissé aller à “courir”.
Lorsqu’on a des enfants, ai-je expliqué à mon petit de trois ans, il devient très difficile de trouver du temps pour faire de l’exercice. En effet, on dit qu’on ne peut mettre que trois choses dans sa vie : le travail, l’éducation des enfants, et une autre chose. J’ai choisi les glucides, et c’est sympathique de découvrir que mes choix ont donné à nos garçons une raison d’être fiers de moi.
Mais alors une chose terrible est arrivée. Juste avant les vacances d’été, dans le cadre de la campagne nationale anti-obésité je pense, notre petit de cinq ans a appris à l’école qu’être en surpoids est mauvais pour la santé et dangereux. Soudain, son ton a changé. Maintenant il veut que je fasse un régime. J’ai contesté pendant un moment, mais le garçon a marqué un point : être un gros papa c’est marrant jusqu’à ce que tu en meures. Résigné, j’ai commencé à faire de la gym et j’ai entamé un régime. Les garçons sont très sympas sur ce sujet. Chaque matin, nous contrôlons pour voir combien de kilos j’ai perdu, et les deux me donnent des conseils pour mon entrainement et des encouragements. “Essaie de faire du vélo plus vite que les avions,” m’a dit mon petit de trois ans. Celui de cinq ans a demandé à ma femme de l’aider à écrire une liste qu’il a appelée “Les choses que Papa peut manger”, qu’il a collée sur le frigo. La liste contient: “Snockombres*”. Et c’est tout. Jusqu’à maintenant, en pédalant à la vitesse des avions et en mangeant des légumes fictifs, j’ai perdu 4,5 kilos. C’est le poids d’une tête humaine moyenne, ce qui semble être exactement la partie que j’ai perdue. Je ne peux plus penser clairement et mes phrases s’arrêtent toujours avant le… vous savez. Je suis donc devenu ridiculement faible, même si je peux avoir encore une petite chance de gagner une bataille de fin de bal. J’ai encore 5,5 kilos à perdre, pour faire dix au total. Cet objectif m’a été fixé scientifiquement par notre petit de cinq ans, sur la base du nombre de doigts qu’il avait à l’époque.
Est-ce que je vais atteindre son objectif de poids et devenir le “le papa le moins exceptionnel” de la cour de récré ? Restez à l’écoute pour savoir si je… vous savez…
* sortes de concombres poilus mangés par le Bon Gros Géant de Roald Dahl
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